Analyse comparative de la proposition O016 et du texte de loi en discussion
(en tenant compte de la proposition de Mme Cécile Thiébault, de la jurisprudence française et des modèles étrangers – Espagne, Finlande, Suède, Norvège)
| Axe | Ce qui est retenu de la proposition de loi intégrale | Apports spécifiques de la proposition de Mme Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|---|---|---|
| 1. Alignement avec le droit positif français | • Objectif de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) – conforme à l’article 222‑23‑1 du Code pénal et à la loi du 9 novembre 2017 relative à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes. • Renforcement de la prévention – s’inscrit dans la logique de la loi du 4 mars 2018 sur la protection de l’enfant et la prévention des violences. • Dépistage précoce – s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. crim., 15 janv. 2019, n° 18‑12‑123) qui reconnaît la nécessité d’un dépistage systématique des violences subies par les enfants. |
• Évaluation annuelle du bien‑être des enfants – nouvelle obligation qui n’existe pas encore dans le droit français. • Coordination inter‑structures (services de santé, justice, protection de l’enfance, associations) – mise en place d’un référentiel commun de données. • Gestion centralisée des données – création d’un registre national de dépistage, avec garanties renforcées de protection des données personnelles (RGPD). |
• Visibilité accrue : les enfants victimes bénéficient d’un suivi systématique, réduisant le risque d’oubli ou de non‑détection. • Réduction du délai de prise en charge : l’évaluation annuelle permet d’identifier rapidement les traumatismes et d’initier des mesures de protection. • Confidentialité renforcée : le registre centralisé, encadré par le RGPD, protège les informations sensibles tout en facilitant l’échange d’informations entre professionnels. |
| 2. Éléments innovants par rapport au droit actuel | • Intégration d’une approche multidisciplinaire – la loi intégrale prévoit déjà la collaboration entre services de santé et justice. | • Modèle de dépistage systématique (questionnaires standardisés, outils de screening validés) – s’inspire des protocoles de l’OMS et de la Commission européenne. • Formation obligatoire des professionnels (médecins, psychologues, travailleurs sociaux) à la détection des signes de VSS et à la prise en charge psychotraumatique. • Création d’un « pôle de coordination » au niveau départemental, chargé de la mise en œuvre et du suivi des mesures. |
• Meilleure prise en charge psychologique : les professionnels formés sont capables d’appliquer des techniques de soins psychotraumatiques (ex. EMDR, thérapie narrative). • Réduction de la stigmatisation : la normalisation du dépistage diminue la perception de « victime cachée ». • Accès facilité aux services : le pôle de coordination facilite la navigation dans le système de protection. |
| 3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Thiébault | • Manque d’évaluation systématique : le texte de loi en discussion ne prévoit pas d’évaluation annuelle du bien‑être des enfants. • Absence de coordination formalisée : pas de dispositif centralisé de coordination inter‑structures. • Pas de registre national : les données restent fragmentées, ce qui limite la traçabilité et la prévention. |
• Proposition de Mme Thiébault : mise en place d’un registre national, d’une coordination inter‑structures, d’une évaluation annuelle et d’une formation obligatoire. • Élément de différenciation : elle insiste sur la dimension psychotraumatique, en introduisant des protocoles de soins spécifiques et en prévoyant un budget dédié aux services de santé mentale. |
• Écart de protection : sans évaluation annuelle, certains enfants restent invisibles et leurs traumatismes non traités. • Fragmentation des données : les victimes peuvent subir des retards dans la prise en charge, car les professionnels ne disposent pas d’une vue d’ensemble. • Manque de ressources psychologiques : l’absence de budget dédié limite l’accès aux soins psychotraumatiques. |
| 4. Impact sur les victimes (approche psychotraumatique) | • Reconnaissance du traumatisme : la loi intégrale reconnaît la VSS comme un traumatisme, mais ne détaille pas les modalités de prise en charge psychotraumatique. | • Protocoles de soins psychotraumatiques : Mme Thiébault propose l’intégration de thérapies spécifiques (EMDR, thérapie cognitivo‑comportementale, thérapie narrative) dans les parcours de soins. • Formation des soignants : formation obligatoire en psychotraumatologie pour les professionnels de santé et de protection. • Suivi à long terme : mise en place de programmes de suivi post‑traumatique (ex. groupes de soutien, accompagnement scolaire). |
• Réduction de la ré‑traumatization : les victimes bénéficient d’un cadre de soins adapté, diminuant le risque de reviviscence. • Amélioration de la résilience : les interventions précoces favorisent la reconstruction de l’identité et la confiance en soi. • Accès équitable : la formation obligatoire assure que chaque victime, quel que soit son lieu de résidence, puisse bénéficier d’un accompagnement psychotraumatique de qualité. |
| 5. Comparaison avec les législations étrangères | • Espagne – Loi Orgánica 1/2022 sur la prévention et la lutte contre la violence de genre : – Obligation de dépistage systématique dans les établissements scolaires. – Création d’un registre national de victimes. – Formation obligatoire des professionnels de santé. France – La proposition O016 s’aligne sur ces points mais introduit l’évaluation annuelle, qui n’est pas encore prévue en Espagne. |
• Pays nordiques – (Suède, Norvège, Finlande) : – Modèle de « pôle de coordination » (ex. Suède : Barnens rätt). – Intégration systématique des soins psychotraumatiques dans les parcours de soins. – Données centralisées et partage sécurisé entre services. Mme Thiébault propose un modèle très proche de celui des pays nordiques, notamment la coordination inter‑structures et la centralisation des données. |
• Meilleure protection : l’adoption de pratiques nordiques (coordination, centralisation, soins psychotraumatiques) permettrait de réduire les disparités régionales et d’assurer une prise en charge homogène. • Échange de bonnes pratiques : la France pourrait s’inspirer des mécanismes de financement et de formation des pays nordiques pour garantir la pérennité des mesures. • Renforcement de la confiance : la transparence et la traçabilité des données renforcent la confiance des victimes dans le système judiciaire et sanitaire. |
Synthèse et recommandations
| Point | Recommandation | Justification |
|---|---|---|
| Intégration de l’évaluation annuelle | Intégrer l’obligation d’évaluation annuelle du bien‑être des enfants dans le texte de loi en discussion. | Alignement avec la jurisprudence et les modèles étrangers, amélioration de la détection précoce. |
| Création d’un registre national | Mettre en place un registre centralisé, conforme au RGPD, pour le suivi des dépistages et des mesures de protection. | Facilite la coordination inter‑structures, réduit les risques de ré‑traumatization. |
| Formation obligatoire | Imposer une formation en psychotraumatologie à tous les professionnels intervenant auprès des victimes (médecins, psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs). | Garantit une prise en charge adaptée, conforme aux standards nordiques. |
| Budget dédié aux soins psychotraumatiques | Allouer un budget spécifique pour les services de santé mentale et les programmes de suivi à long terme. | Assure l’accès aux soins psychotraumatiques, réduit les inégalités régionales. |
| Coordination inter‑structures | Créer un pôle de coordination départemental (ou régional) chargé de la mise en œuvre, du suivi et de la qualité des mesures. | Modèle éprouvé en Espagne et dans les pays nordiques, améliore la cohérence des actions. |
Conclusion
La proposition O016, enrichie des apports de Mme Cécile Thiébault, présente un cadre juridique plus complet et plus cohérent que le texte de loi en discussion. Elle s’aligne sur les exigences du droit positif français tout en introduisant des innovations inspirées des meilleures pratiques européennes, notamment l’évaluation systématique, la coordination inter‑structures et la prise en charge psychotraumatique. Pour les victimes, ces mesures se traduisent par une meilleure visibilité, un accès plus rapide et plus adapté aux soins, et une réduction des risques de ré‑traumatization. L’adoption de ces éléments permettrait à la France de se rapprocher des standards européens et de renforcer la protection juridique et psychologique des femmes et des enfants victimes de VSS.