Analyse comparative de la proposition O064 (modèle : solar‑pro:22b…)
En tant que juriste spécialisée en droit pénal, civil, VSS et psychotraumatisme
| Axe | Ce qui est retenu de la proposition de loi intégrale | Apports spécifiques de Mme Cécile Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|
1. Points d’alignement avec le droit positif français
| Retenu | Apports de Mme Thiébault | Implications pratiques |
|---|---|---|
| Audio‑visuel de la déposition – modification de l’article 706‑52 CP : enregistrement des auditions des mineurs et, désormais, des victimes majeures de VSS qui le souhaitent. | Renforcement de la présomption d’innocence – Mme Thiébault insiste sur la nécessité d’outils procéduraux (ex. « pré‑audition » pour vérifier le consentement, la compréhension et la protection de la victime avant toute prise de parole ») afin de garantir que la présomption d’innocence ne soit pas compromise par la mise en scène de la déposition. | La déposition audio‑visuelle permet de réduire le risque de traumatismes liés à la répétition de l’événement, tout en offrant une preuve fiable. La procédure de pré‑audition protège la victime contre la re‑exposition à l’acte et à la culpabilisation. |
| Formation du personnel judiciaire – mise en place de modules spécifiques (psychologie, VSS, droits de la victime). | Critères de classification des affaires de viol – Mme Thiébault propose un tableau de décision (niveau de gravité, récidive, vulnérabilité de la victime) pour orienter la procédure (ex. mise en examen, garde à vue, mesures de protection). | Les victimes bénéficient d’une procédure adaptée à leur situation, évitant les procédures trop lourdes ou trop rapides qui peuvent être source de traumatisme. |
| Consentement libre et éclairé – exigence de consentement explicite pour l’enregistrement. | Conditions de libération de la parole – Mme Thiébault introduit la notion de « libération conditionnelle de la parole » : la victime peut choisir de ne pas être enregistrée si elle estime que cela pourrait la revictimiser. | La prise de décision autonome renforce le sentiment de contrôle de la victime, facteur clé de résilience psychotraumatique. |
2. Éléments innovants par rapport au droit actuel
| Retenu | Apports de Mme Thiébault | Implications pratiques |
|---|---|---|
| Enregistrement audio‑visuel – déjà prévu pour les mineurs, étendu aux majeures. | Intégration d’un dispositif de « salle de déposition sécurisée » – espace dédié, présence d’un professionnel de santé mentale, possibilité de pause, de retrait de la caméra. | Réduction de l’anxiété et de la dissociation pendant la déposition. |
| Formation du personnel – obligatoire. | Mécanisme de « feedback post‑déposition » – le personnel judiciaire doit fournir un compte rendu de la séance à la victime (sans divulguer d’informations sensibles) pour permettre un suivi psychologique. | La victime est informée de la manière dont son témoignage est utilisé, ce qui diminue le sentiment d’invisibilité et de perte de contrôle. |
| Consentement éclairé – déjà exigé. | Mise en place d’un « comité de protection de la victime » – composé de juristes, de psychologues et de représentants de la société civile, qui valide chaque procédure de déposition. | Garantit une approche multidisciplinaire, essentielle pour la prise en compte des besoins psychotraumatiques. |
3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault
| Retenu | Apports de Mme Thiébault | Implications pratiques |
|---|---|---|
| Absence explicite de mesures de présomption d’innocence – la proposition intégrale ne détaille pas comment protéger cette présomption dans le cadre de la déposition. | Intégration d’une clause de « présomption d’innocence renforcée » – Mme Thiébault propose que toute déposition audio‑visuelle soit considérée comme « preuve circonstancielle » et non comme preuve définitive, avec un délai de 48 h pour la remise en cause de la décision de mise en examen. | La victime ne subit pas de préjudice juridique immédiat en cas d’erreur de procédure, ce qui limite le risque de revictimisation par une procédure pénale injustifiée. |
| Critères de classification des affaires de viol – non détaillés. | Tableau de décision – Mme Thiébault introduit des critères clairs (niveau de violence, récidive, vulnérabilité, consentement, etc.) pour orienter la procédure. | La victime bénéficie d’une procédure adaptée, évitant les procédures trop lourdes ou trop rapides qui peuvent être source de traumatisme. |
| Conditions de libération de la parole – non mentionnées. | Libération conditionnelle de la parole – la victime peut choisir de ne pas être enregistrée si elle estime que cela pourrait la revictimiser. | Renforce le sentiment de contrôle et de sécurité, facteur clé de résilience psychotraumatique. |
4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)
| Retenu | Apports de Mme Thiébault | Implications pratiques |
|---|---|---|
| Enregistrement audio‑visuel – permet de limiter la répétition de l’acte. | Salle de déposition sécurisée – présence d’un professionnel de santé mentale, possibilité de pause, de retrait de la caméra. | Réduction de l’anxiété, de la dissociation et du risque de revictimisation. |
| Consentement libre et éclairé – protège la victime contre la contrainte. | Comité de protection de la victime – validation multidisciplinaire de chaque procédure. | Assurance d’une prise en compte holistique des besoins psychologiques, juridiques et sociaux. |
| Formation du personnel judiciaire – améliore la qualité de l’interrogatoire. | Feedback post‑déposition – compte rendu de la séance à la victime. | Transparence, réduction du sentiment d’invisibilité, renforcement de la confiance dans le système judiciaire. |
| Absence de mesures explicites de présomption d’innocence – risque de revictimisation. | Présomption d’innocence renforcée – délai de remise en cause, preuve circonstancielle. | Limite le risque de sanctions injustifiées, protège la dignité de la victime. |
5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne et pays nordiques)
| Aspect | France (proposition intégrale) | Espagne (Ley Orgánica 1/2021) | Finlande (Laki 2021) | Suède (Lag 2020) |
|---|---|---|---|---|
| Enregistrement audio‑visuel | Étendu aux majeures, avec consentement explicite. | Pas d’obligation d’enregistrement, mais possibilité de « grabación de la declaración » dans certains tribunaux. | Pas d’obligation, mais possibilité de « videorekordning » dans les procédures pénales. | Obligation d’enregistrement audio‑visuel des victimes majeures depuis 2020, avec consentement. |
| Présomption d’innocence | Pas de disposition explicite dans la proposition intégrale. | Renforcement de la présomption d’innocence, notamment par la limitation des détentions préventives. | Présomption d’innocence renforcée, avec délai de 48 h pour la remise en cause. | Présomption d’innocence forte, avec limitation des détentions préventives. |
| Protection psychotraumatique | Formation du personnel, salle de déposition sécurisée (proposition de Mme Thiébault). | Programme « Programa de Atención a Víctimas de Violencia de Género » (accompagnement psychologique). | Programme national de soutien aux victimes (accompagnement psychologique). | Programme « Våldsförebyggande och stödprogram » (accompagnement psychologique). |
| Critères de classification | Tableau de décision proposé par Mme Thiébault. | Classification par gravité, récidive, vulnérabilité. | Classification par gravité, vulnérabilité, récidive. | Classification par gravité, vulnérabilité, récidive. |
| Libération conditionnelle de la parole | Proposé par Mme Thiébault. | Pas de disposition explicite. | Pas de disposition explicite. | Pas de disposition explicite. |
Implications pratiques
- France : La proposition intégrale, enrichie par les apports de Mme Thiébault, se rapproche des pratiques espagnoles et nordiques en matière d’enregistrement audio‑visuel et de protection psychotraumatique. Cependant, l’absence initiale de mesures explicites de présomption d’innocence constitue un écart par rapport aux modèles espagnol et nordique, qui intègrent déjà des garanties procédurales solides.
- Espagne : Le modèle espagnol offre déjà un cadre robuste pour la protection psychotraumatique et la présomption d’innocence, mais l’absence d’obligation d’enregistrement audio‑visuel limite la transparence et la fiabilité des témoignages. La proposition française, en introduisant l’enregistrement audio‑visuel, s’alignerait davantage sur la pratique suédoise.
- Pays nordiques : Les législations suédoise et finlandaise intègrent déjà l’enregistrement audio‑visuel et la présomption d’innocence. La proposition française, avec les apports de Mme Thiébault, pourrait atteindre un niveau comparable, notamment grâce à la mise en place d’un comité de protection de la victime et d’un feedback post‑déposition.
Conclusion synthétique
- Alignement : La proposition intégrale est déjà en phase avec le droit positif français (audio‑visuel, consentement, formation).
- Innovations : Les apports de Mme Thiébault (présomption d’innocence renforcée, critères de classification, salle de déposition sécurisée, comité de protection, feedback post‑déposition) complètent et renforcent le texte.
- Écarts : L’absence initiale de mesures explicites de présomption d’innocence et de libération conditionnelle de la parole constitue un risque de revictimisation.
- Impact psychotraumatique : Les mesures proposées réduisent l’anxiété, la dissociation et la revictimisation, tout en renforçant le sentiment de contrôle et de sécurité des victimes.
- Comparaison internationale : La France, grâce aux apports de Mme Thiébault, se rapproche des modèles espagnol et nordique, mais doit encore consolider la présomption d’innocence et la protection psychotraumatique pour atteindre un niveau de protection comparable.
En définitive, l’intégration des propositions de Mme Cécile Thiébault permettrait de transformer la proposition O064 en un texte robuste, aligné sur les meilleures pratiques internationales, et surtout, centré sur la protection psychotraumatique des victimes de VSS.