1. Points d’alignement avec le droit positif français
| Ce qui est retenu de la proposition O074 | Apports spécifiques de Mme Cécile Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|---|---|
| Renforcement de la protection des victimes – La proposition s’inscrit dans la logique de la loi « Violences sexistes et sexuelles » (Loi 2018) et de la loi « Télémédecine » (TGD). Elle vise à étendre l’usage du Téléphone Grave Danger (TGD) aux victimes du système prostitutionnel, du proxénétisme et de la traite d’êtres humains. | Définition précise des catégories de victimes – Mme Thiébault insiste sur la nécessité de distinguer les victimes « actives » (ex‑prostituées) des « passives » (victimes de la traite) afin d’adapter les mesures de protection (ex. TGD, accompagnement psychologique, suivi judiciaire). | Accès immédiat à un dispositif de sécurité – Les victimes peuvent appeler le TGD sans délai, ce qui réduit le risque de violence imminente et permet une prise en charge rapide. |
| Modification de l’article L221‑1 du Code pénal – La proposition prévoit d’y inscrire explicitement la « protection des victimes du système prostitutionnel » comme un motif d’intervention d’urgence. | Intégration d’une approche psychotraumatique – Mme Thiébault propose d’ajouter un champ « psychotraumatisme lié à la prostitution » dans l’article L221‑1, afin de justifier des mesures de protection spécifiques (ex. consultations psychiatriques, suivi de santé mentale). | Reconnaissance juridique du traumatisme – Les victimes bénéficient d’une reconnaissance officielle de leur état psychologique, ce qui facilite l’accès aux soins et aux indemnités. |
| Conformité avec la jurisprudence récente – La Cour de cassation a déjà reconnu la nécessité d’une protection renforcée pour les victimes de traite (Cass. crim., 2021). | Mise en place d’un dispositif de coordination – Mme Thiébault propose un « cellule de coordination VSS‑Traite » au sein du ministère de la Justice, afin de centraliser les dossiers et de garantir un suivi continu. | Réduction de la fragmentation – Les victimes ne sont plus confrontées à des parcours disjoints entre police, justice et services sociaux. |
2. Éléments innovants par rapport au droit actuel
| Ce qui est retenu de la proposition O074 | Apports spécifiques de Mme Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|---|---|
| Extension du champ d’application du TGD – Le TGD, jusqu’alors réservé aux victimes de violences domestiques ou de harcèlement, est désormais ouvert aux victimes du système prostitutionnel. | Création d’un « TGD Prostitution » dédié – Mme Thiébault propose un numéro spécifique, avec des opérateurs formés aux problématiques de la prostitution et de la traite, afin de garantir une écoute adaptée. | Spécialisation de l’accompagnement – Les victimes reçoivent des réponses plus pertinentes (ex. information sur les droits, orientation vers des associations spécialisées). |
| Intégration d’une évaluation psychotraumatique systématique – La proposition prévoit un protocole d’évaluation psychologique obligatoire lors de la prise en charge initiale. | Modèle de prise en charge « trauma‑informed » – Mme Thiébault introduit un cadre de soins basé sur la théorie du trauma, incluant des séances de thérapie cognitivo‑comportementale (TCC) et de soutien par les pairs. | Meilleure prise en compte des besoins émotionnels – Les victimes bénéficient d’un suivi adapté à leur vécu, ce qui favorise la résilience et la réintégration. |
| Renforcement des sanctions pénales – La proposition prévoit des peines plus lourdes pour les proxénètes et les trafiquants. | Introduction d’une « peine de réparation intégrative » – Mme Thiébault propose une sanction qui combine prison, travaux d’intérêt général et participation à des programmes de réhabilitation. | Réduction du risque de récidive – Les auteurs de violences sont incités à changer de comportement, ce qui protège davantage les victimes futures. |
3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault
| Ce qui est retenu de la proposition O074 | Apports spécifiques de Mme Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|---|---|
| Manque de précision sur les catégories de victimes – O074 ne distingue pas clairement entre victimes « actives » et « passives ». | Définition juridique claire – Mme Thiébault introduit des définitions précises (ex. « victime de traite » = personne dont la liberté a été restreinte par la menace ou l’usage de la force). | Meilleure allocation des ressources – Les victimes reçoivent des mesures adaptées à leur situation (ex. TGD + suivi psychologique vs. TGD + accompagnement juridique). |
| Absence d’un dispositif de coordination inter‑services – O074 ne prévoit pas de cellule de coordination. | Cellule VSS‑Traite – Mme Thiébault propose un organe unique pour coordonner police, justice, santé et associations. | Réduction des délais de prise en charge – Les victimes bénéficient d’un parcours fluide, sans perte d’information entre les services. |
| Pas de mention explicite de la dimension psychotraumatique – L’article L221‑1 reste neutre. | Intégration d’un champ psychotraumatique – Mme Thiébault ajoute un paragraphe dédié à la reconnaissance du traumatisme. | Accès facilité aux soins – Les victimes peuvent invoquer ce champ pour obtenir des soins psychologiques sans passer par un processus long de justification. |
| Peines pénales non différenciées – O074 ne distingue pas entre proxénétisme et traite. | Peines différenciées – Mme Thiébault propose des peines plus lourdes pour la traite, incluant des mesures de réparation. | Protection accrue – Les victimes de traite bénéficient d’une réponse pénale plus sévère, réduisant la probabilité de récidive. |
4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)
| Ce qui est retenu de la proposition O074 | Apports spécifiques de Mme Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|---|---|
| Accès immédiat au TGD – Réduction du risque de violence immédiate. | TGD spécialisé – Opérateurs formés à la dynamique de la prostitution et de la traite. | Réduction de l’anxiété – Les victimes savent qu’elles ont un interlocuteur disponible 24/7. |
| Évaluation psychologique obligatoire – Reconnaissance du traumatisme. | Programme de soins « trauma‑informed » – Thérapies adaptées, accompagnement par les pairs. | Amélioration de la santé mentale – Les victimes bénéficient d’un traitement ciblé, ce qui favorise la résilience. |
| Sanctions pénales renforcées – Dissuasion des auteurs. | Réhabilitation intégrative – Programmes de réinsertion pour les auteurs, réduisant la récidive. | Sécurité à long terme – Les victimes sont moins exposées à de nouvelles violences. |
| Pas de coordination inter‑services – Risque de fragmentation. | Cellule VSS‑Traite – Coordination entre police, justice, santé et associations. | Parcours simplifié – Les victimes n’ont pas à naviguer entre multiples structures. |
Synthèse psychotraumatique
- Renforcement de la sécurité immédiate (TGD) réduit l’exposition à la violence aiguë.
- Évaluation et traitement psychologique permettent de traiter les symptômes de PTSD, d’anxiété et de dépression.
- Coordination inter‑services assure un suivi continu, évitant le risque de « re‑traumatisation » lors de la navigation entre institutions.
- Sanctions différenciées contribuent à la prévention de la récidive, protégeant ainsi les victimes futures.
5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne et pays nordiques)
| Axe | France (O074 + proposition de Mme Thiébault) | Espagne (Ley 3/2015) | Pays nordiques (Suède, Norvège, Finlande) |
|---|---|---|---|
| Champ d’application du TGD / dispositif de sécurité | Extension du TGD aux victimes de prostitution et de traite. | Pas de dispositif équivalent; recours aux lignes d’urgence (112) et aux services sociaux. | Pas de TGD; recours aux lignes d’urgence et aux services de protection des victimes. |
| Évaluation psychotraumatique | Obligation d’évaluation psychologique systématique + programme « trauma‑informed ». | Évaluation psychologique disponible mais pas systématique; dépend du service social. | Évaluation psychologique intégrée dans les services de santé publique, mais pas systématique pour les victimes de traite. |
| Coordination inter‑services | Proposition d’une cellule VSS‑Traite. | Coordination entre police, justice et services sociaux, mais pas centralisée. | Coordination via des « victim support centers » (ex. Suède: “Kvinnoförsvar”); pas de cellule unique. |
| Sanctions pénales | Peines différenciées (proxénétisme vs traite) + réparation intégrative. | Peines lourdes pour la traite (jusqu’à 15 ans) et pour le proxénétisme (5–10 ans). | Peines lourdes pour la traite (jusqu’à 10 ans) et pour le proxénétisme (5–8 ans). |
| Approche de la prostitution | Considérée comme un phénomène de violence et de traite. | Considérée comme un problème de santé publique et de droits humains. | Considérée comme un travail (Suède: « modèle de dépénalisation »), mais la traite est sévèrement punie. |
Points d’harmonisation
- Sanctions pénales : France, Espagne et pays nordiques convergent sur des peines lourdes pour la traite.
- Évaluation psychotraumatique : La France se distingue par l’obligation systématique, alors que les autres pays la rendent facultative.
- Coordination inter‑services : La France propose un modèle centralisé (cellule VSS‑Traite) qui pourrait servir de référence aux autres pays.
Points de divergence
- Dispositif de sécurité (TGD) : Unique à la France, absent dans les autres juridictions.
- Modèle de prostitution : France et Espagne adoptent une approche centrée sur la protection des victimes, tandis que les pays nordiques adoptent un modèle de dépénalisation ou de régulation.
Conclusion synthétique
- Alignement : La proposition O074 s’appuie sur les fondements du droit français (loi VSS, TGD, article L221‑1) tout en introduisant des mesures ciblées pour les victimes du système prostitutionnel.
- Innovation : L’introduction d’un TGD spécialisé, d’une évaluation psychotraumatique systématique et d’une cellule de coordination représente un pas en avant par rapport à la législation actuelle.
- Critique : Les écarts avec la proposition de Mme Thiébault concernent surtout la précision des catégories de victimes, la coordination inter‑services et l’intégration explicite du psychotraumatisme.
- Impact psychotraumatique : Les victimes bénéficient d’une protection immédiate, d’un traitement adapté et d’un parcours simplifié, ce qui réduit le risque de ré‑traumatisation et favorise la résilience.
- Comparaison internationale : La France se distingue par son dispositif de sécurité (TGD) et son approche systématique du psychotraumatisme, tandis que les pays étrangers partagent des sanctions pénales lourdes mais offrent moins de coordination et de soutien psychologique systématique.
En somme, la proposition O074, enrichie par les apports de Mme Thiébault, offre un cadre juridique plus complet et plus centré sur la victime, tout en s’inscrivant dans une dynamique d’harmonisation internationale sur la lutte contre la traite et le proxénétisme.