Analyse Comparative - Proposition O078

Analyse juridique croisée avec la proposition de loi intégrale

1. Points d’alignement avec le droit positif français

Ce qui est retenu de la proposition intégrale (O 078) Apports spécifiques de Mme Cécile Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Renforcement des sanctions pénales – L’article 222‑33‑2‑2 du Code pénal est étendu aux menaces et à l’intimidation post‑victimisation, en cohérence avec l’article 222‑33‑2‑1 (violences sexuelles). Précision de la notion de « menace » – Mme Thiébault introduit une définition juridique claire (menace de violence, de diffamation, de retrait de droits, etc.) afin d’éviter les interprétations trop larges qui ont pu conduire à des décisions de justice incohérentes. Les victimes bénéficient d’une protection juridique plus explicite : elles peuvent désormais saisir le juge pénal pour les menaces, même si l’acte initial n’a pas été puni.
Création d’un dispositif de protection renforcée – Le texte prévoit la mise en place d’un « service de protection des victimes » (SAV) accessible 24/7, en conformité avec la loi du 9 mai 2017 relative à la protection juridique des victimes. Intégration d’un suivi psychologique obligatoire – Mme Thiébault propose que le SAV inclue un suivi psychotrauma‑orienté (consultations, thérapies, groupes de parole) dès la première prise en charge. Les victimes reçoivent un accompagnement immédiat et continu, ce qui réduit le risque de ré‑traumatization et favorise la reconstruction de l’identité post‑victime.
Révision des procédures de signalement – Le texte prévoit la possibilité de signaler les menaces via un portail numérique dédié, conformément à la loi du 20 janvier 2022 sur la digitalisation de la justice. Mise en place d’un « point de contact unique » – Mme Thiébault introduit un point de contact unique (numéro d’urgence, application mobile) pour centraliser les signalements et éviter la fragmentation des dossiers. Les victimes peuvent signaler rapidement et sans barrière administrative, ce qui accélère la prise de mesures de protection.

2. Éléments innovants par rapport au droit actuel

Ce qui est retenu de la proposition intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Sanctions dissuasives accrues – L’augmentation de la peine maximale (de 5 à 10 ans de prison) pour les menaces liées à des violences sexuelles est un pas vers une approche plus punitive. Introduction d’une « mesure de protection ciblée » – Mme Thiébault propose l’obligation de mesures de protection ciblées (interdiction de contact, restriction d’accès aux réseaux sociaux) qui s’appliquent même en l’absence de condamnation pénale. Les victimes bénéficient d’une protection immédiate, même si la procédure pénale n’est pas encore conclue, réduisant le risque de harcèlement continu.
Création d’un registre national des auteurs de menaces – Le texte prévoit un registre accessible aux autorités judiciaires et aux forces de l’ordre. Intégration d’un dispositif de suivi post‑libération – Mme Thiébault introduit un suivi de 12 mois pour les condamnés, incluant un plan de réinsertion et un contrôle de la non‑recidive. Les victimes peuvent être rassurées par la surveillance continue des auteurs, ce qui diminue l’anxiété liée à la ré‑intimidation.
Renforcement de la coopération inter‑institutionnelle – Le texte prévoit une coordination entre la justice, la police, les services sociaux et les associations de victimes. Création d’un « comité de coordination des victimes » – Mme Thiébault propose un comité composé de représentants des associations, de psychologues et de juristes pour superviser la mise en œuvre. Les victimes voient leurs besoins spécifiques pris en compte dans un cadre structuré, améliorant la qualité de l’accompagnement.

3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault

Ce qui est retenu de la proposition intégrale Ce qui manque par rapport à Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Sanctions pénales renforcées – L’augmentation de la peine est un point commun. Absence de définition juridique précise des menaces – Le texte ne précise pas les critères de menace, laissant place à l’interprétation. Risque de décisions de justice incohérentes, ce qui peut laisser les victimes sans recours.
Création d’un SAV – Le texte prévoit un service de protection. Pas de suivi psychotrauma‑orienté obligatoire – Le SAV n’est pas explicitement lié à un accompagnement psychologique. Les victimes peuvent se retrouver sans soutien psychologique, augmentant le risque de PTSD.
Portail numérique de signalement – Le texte prévoit un portail. Pas de point de contact unique – Le portail n’est pas intégré à un numéro d’urgence ou une application mobile. Les victimes peuvent être perdues dans le système, retardant la prise de mesures.
Registre national – Le texte prévoit un registre. Pas de suivi post‑libération – Le registre ne prévoit pas de suivi des auteurs après condamnation. Les victimes restent exposées à la ré‑intimidation sans surveillance.

4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)

Ce qui est retenu de la proposition intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications psychotraumatiques
Protection juridique renforcée – Les victimes peuvent obtenir des mesures de protection. Suivi psychologique obligatoire – Intégration d’un suivi psychotrauma‑orienté dès la première prise en charge. Réduction du risque de PTSD, amélioration de la résilience et de la reconstruction de l’identité.
Signalement numérique – Facilite la dénonciation. Point de contact unique – Réduit la fragmentation et la surcharge cognitive liée à la recherche d’aide. Diminution de l’anxiété liée à la complexité du système, amélioration de la confiance dans les institutions.
Sanctions dissuasives – Augmente la perception de justice. Mesures de protection ciblées – Offre une sécurité immédiate, réduisant le stress post‑traumatique. Diminution de l’état de vigilance chronique, amélioration de la qualité de vie.
Registre national – Permet la traçabilité. Suivi post‑libération – Surveillance continue des auteurs, rassurant les victimes. Réduction de la peur de ré‑intimidation, amélioration de la perception de contrôle.

5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne et pays nordiques)

Axe France (O 078 + proposition de Mme Thiébault) Espagne (Ley Orgánica 1/2021) Pays nordiques (Suède, Norvège, Finlande)
Définition des menaces Pas de définition précise (proposition O 078) ; Mme Thiébault propose une définition juridique claire. La loi espagnole définit explicitement les menaces et les harcèlements sexuels, incluant les menaces de violence. Les pays nordiques intègrent la notion de « harcèlement sexuel et intimidation » dans leurs codes pénaux, avec des définitions précises.
Sanctions Augmentation de la peine maximale (5 à 10 ans) ; mesures de protection ciblées. Peines allant jusqu’à 10 ans, plus de 20 ans pour les cas aggravés. Peines similaires (jusqu’à 10 ans) mais avec un accent sur la réhabilitation et la prévention.
Suivi psychologique Suivi psychologique obligatoire proposé par Mme Thiébault. Suivi psychologique recommandé mais pas obligatoire. Suivi psychologique obligatoire dans les programmes de réinsertion.
Portail numérique / point de contact Portail numérique prévu, pas de point de contact unique. Portail numérique et numéro d’urgence dédié. Portail numérique et numéro d’urgence, avec intégration de services de santé mentale.
Registre national Registre national prévu. Registre national des auteurs de violences sexuelles. Registre national, avec suivi post‑libération obligatoire.
Impact sur les victimes Amélioration de la prise en charge, mais lacunes psychotraumatiques. Meilleure prise en charge psychologique, mais manque de suivi post‑libération. Modèle complet : protection juridique, suivi psychologique, suivi post‑libération, et prévention.

Synthèse comparative

  • France se situe entre l’Espagne et les pays nordiques : elle a introduit des mesures de protection et de sanctions mais reste à renforcer la définition juridique des menaces et le suivi psychologique obligatoire.
  • Espagne est plus avancée sur la définition et la sanction, mais son suivi psychologique n’est pas systématique.
  • Pays nordiques offrent un modèle intégré (définition claire, sanctions, suivi psychologique obligatoire, suivi post‑libération) qui pourrait servir de référence pour la France.

Recommandations synthétiques

  1. Intégrer la définition juridique précise des menaces proposée par Mme Thiébault dans le texte intégral pour éviter les interprétations divergentes.
  2. Obliger le suivi psychotrauma‑orienté dès la première prise en charge, en s’inspirant des modèles nordiques.
  3. Créer un point de contact unique (numéro d’urgence + application mobile) pour centraliser les signalements et réduire la surcharge cognitive des victimes.
  4. Mettre en place un suivi post‑libération obligatoire pour les auteurs condamnés, afin de garantir la sécurité des victimes à long terme.
  5. Aligner les sanctions avec les standards européens (espagnols et nordiques) tout en préservant la spécificité du droit français (ex. mesures de protection ciblées).

En adoptant ces mesures, la France pourra non seulement renforcer la protection juridique des victimes de violences sexuelles et de menaces, mais aussi offrir un accompagnement psychotraumatique complet, conforme aux meilleures pratiques internationales.