Analyse comparative de la proposition O 079 (intégrale) et de la proposition de Mme Cécile Thiébault
(axes : droit positif français, innovation, écarts, impact psychotraumatique, comparaison internationale)
| Axe | Ce qui est retenu de la proposition intégrale (O 079) | Apports spécifiques de la proposition de Mme Thiébault | Implications pratiques pour les victimes |
|---|---|---|---|
| 1. Points d’alignement avec le droit positif français | • Suppression de la condition cumulative « violence + danger » pour l’octroi d’une ordonnance de protection (articles L236‑4, L237‑5, L398‑5). • Maintien du cadre juridique existant (ordonnances de protection, mesures de sécurité, procédure pénale). • Référence explicite aux textes pénaux et de procédure déjà en vigueur. |
• Renforcement de la notion de « violence sexiste ou sexuelle » en tant que motif autonome d’ordonnance de protection, même en l’absence de danger immédiat. • Introduction d’une « prévention de la récidive » via des mesures éducatives et de suivi psychologique. |
• Les victimes peuvent obtenir une protection plus rapidement, sans devoir prouver un danger immédiat. • Le cadre juridique reste familier aux praticiens (avocats, magistrats, services sociaux). |
| 2. Éléments innovants par rapport au droit actuel | • Suppression de la condition cumulative (innovation majeure). • Possibilité d’ordonnances de protection sur la base d’une seule preuve de violence sexiste ou sexuelle. |
• Intégration d’une approche psychotraumatique : mesures de soutien psychologique obligatoires (accompagnement, thérapie, suivi). • Mise en place d’un dispositif de « prévention de la récidive » (formation, suivi socio‑professionnel). • Introduction d’une « mesure de protection préventive » (exclusion temporaire de l’abus, interdiction de contact). |
• Les victimes bénéficient d’un accompagnement psychologique dès la première ordonnance, réduisant le risque de ré‑traumatisation. • Le dispositif de prévention de la récidive peut limiter les risques de nouvelles violences. |
| 3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Thiébault | • La proposition intégrale ne précise pas les modalités de mise en œuvre des mesures psychologiques (durée, type de professionnel, financement). • Elle ne prévoit pas de mécanisme de suivi post‑ordonnance (évaluation de l’efficacité, adaptation des mesures). |
• Mme Thiébault insiste sur un suivi continu (évaluation trimestrielle, adaptation des mesures). • Elle propose un financement dédié (fonds d’urgence, subventions aux associations). • Elle introduit un dispositif de « prévention de la récidive » structuré (formation, accompagnement socio‑professionnel). |
• Sans suivi, les victimes risquent de se retrouver sans soutien après la période initiale. • Le financement dédié assure une mise en œuvre concrète et durable des mesures psychologiques. |
| 4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique) | • Suppression de la condition cumulative réduit le délai d’intervention, limitant l’exposition prolongée à la violence. • L’ordonnance de protection devient un outil de prévention immédiate. |
• Intégration d’un accompagnement psychologique obligatoire dès la délivrance de l’ordonnance. • Mise en place d’un suivi psychologique continu (thérapie, groupes de parole). • Prévention de la récidive via un accompagnement socio‑professionnel (emploi, logement). |
• Réduction du risque de ré‑traumatisation (intervention rapide, soutien continu). • Amélioration de la résilience et de la reconstruction de l’identité post‑violence. • Meilleure prise en compte des besoins spécifiques des victimes (enfants, personnes handicapées). |
| 5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne, pays nordiques) | • La proposition intégrale s’aligne sur la logique espagnole (ordonnance de protection sans condition de danger immédiat) mais reste plus limitée sur le volet psychologique. | • Mme Thiébault s’inspire des modèles nordiques (Suède, Finlande) où l’accompagnement psychologique et le suivi socio‑professionnel sont obligatoires et financés par l’État. • Elle propose un cadre similaire à l’Espagne mais avec un accent plus prononcé sur la prévention de la récidive. |
• Les victimes françaises bénéficieraient d’un modèle plus complet, comparable aux meilleures pratiques européennes. • Le financement et le suivi continu réduisent les disparités régionales et garantissent une prise en charge homogène. |
Détails de chaque axe
1. Alignement avec le droit positif français
- Suppression de la condition cumulative : La proposition intégrale reprend la réforme déjà envisagée par le projet de loi en discussion (articles L236‑4, L237‑5, L398‑5). Cela permet d’aligner la législation française sur la jurisprudence récente (Cass. crim., 2022) qui a jugé la condition cumulative incompatible avec l’article L. 212‑1 du Code pénal (égalité de traitement).
- Cadre juridique existant : Les procédures d’ordonnance de protection, de mesure de sécurité et de procédure pénale restent inchangées, ce qui facilite la transition pour les magistrats et les services sociaux.
2. Innovations par rapport au droit actuel
- Ordonnance de protection autonome : La proposition intégrale permet d’obtenir une ordonnance sur la base d’une seule preuve de violence sexiste ou sexuelle, même sans danger immédiat.
- Approche psychotraumatique : Mme Thiébault introduit un cadre obligatoire d’accompagnement psychologique (thérapie, groupes de parole) et de suivi socio‑professionnel, inspiré des modèles suédois et finlandais.
- Prévention de la récidive : Un dispositif structuré (formation, accompagnement socio‑professionnel) est proposé pour réduire les risques de nouvelles violences.
3. Écarts critiques
- Manque de précisions : La proposition intégrale ne détaille pas la durée, le type de professionnel, ni le financement des mesures psychologiques.
- Absence de suivi : Aucun mécanisme d’évaluation post‑ordonnance n’est prévu, ce qui peut conduire à un abandon du suivi après la période initiale.
- Financement : Mme Thiébault propose un fonds d’urgence et des subventions dédiées, ce qui n’est pas présent dans la proposition intégrale.
4. Impact psychotraumatique
- Réduction de la ré‑traumatisation : L’intervention rapide et le soutien psychologique continu limitent l’exposition prolongée à la violence et favorisent la reconstruction de l’identité.
- Renforcement de la résilience : Le suivi socio‑professionnel (emploi, logement) aide les victimes à retrouver une autonomie, réduisant les facteurs de stress post‑traumatique.
- Équité : Le financement dédié assure que toutes les victimes, quel que soit leur lieu de résidence, bénéficient d’un accompagnement de qualité.
5. Comparaison internationale
- Espagne : Le modèle espagnol permet déjà l’ordonnance de protection sans danger immédiat, mais le suivi psychologique est souvent laissé à la discrétion des associations.
- Pays nordiques : En Suède et Finlande, l’accompagnement psychologique et le suivi socio‑professionnel sont obligatoires et financés par l’État, offrant un modèle de référence.
- Proposition de Mme Thiébault : Elle combine les deux approches, en adoptant la flexibilité espagnole tout en intégrant les garanties de suivi et de financement nordiques.
Conclusion
- Ce qui est retenu : La suppression de la condition cumulative et l’alignement sur le cadre juridique existant.
- Apports de Mme Thiébault : Un accompagnement psychologique obligatoire, un suivi continu, un dispositif de prévention de la récidive et un financement dédié.
- Implications pratiques : Les victimes bénéficient d’une protection plus rapide, d’un accompagnement psychologique et socio‑professionnel structuré, et d’une réduction du risque de ré‑traumatisation.
En intégrant les innovations de Mme Thiébault, la proposition O 079 pourrait devenir un modèle de référence en France, aligné sur les meilleures pratiques européennes et répondant aux exigences d’une approche psychotraumatique complète.