Analyse Comparative - Proposition O085

Analyse juridique croisée avec la proposition de loi intégrale

Analyse comparative de la proposition O085 (intégrale) et de la proposition de Mme Cécile Thiébault

(Axes : alignement avec le droit positif français, innovation, écarts, impact psychotraumatique, comparaison internationale)

Axe Ce qui est retenu de la proposition intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
1. Points d’alignement avec le droit positif français • La suppression de la consignation judiciaire pour les victimes de violences sexistes ou sexuelles s’inscrit dans la logique de la délégation de la preuve (art. 124‑1 § 2 du Code de procédure pénale) et de la prévention de la stigmatisation (art. R. 124‑1‑1).
• Le texte respecte le principe de non‑intervention de l’État dans la vie privée (art. 9 de la Constitution) en ne créant pas de nouvelles obligations de déclaration.
• Mme Thiébault introduit la notion de consignation judiciaire comme un mécanisme de protection, non seulement de la preuve mais aussi de la dignité de la victime.
• Elle rappelle l’obligation de respect de la vie privée et de protection de l’image de la victime, éléments déjà présents dans le droit civil (art. 9 CIV).
• Les victimes bénéficient d’une protection juridique renforcée contre la divulgation involontaire de leur identité ou de leur situation.
• Elles peuvent choisir de ne pas être identifiées dans les procédures, ce qui réduit le risque de ré‑victimisation.
2. Éléments innovants par rapport au droit actuel • La proposition O085 introduit un mode de consignation judiciaire spécifique aux violences sexistes, qui n’existe pas encore dans le Code de procédure pénale.
• Elle prévoit un organe de suivi (Commission indépendante) pour superviser la mise en œuvre de la consignation.
• Mme Thiébault propose la création d’une Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), un dispositif de coordination inter‑institutionnelle inédit en France.
• Elle introduit un plan de prévention national, incluant des programmes éducatifs et des campagnes de sensibilisation, qui complètent la législation existante.
• Les victimes bénéficient d’un suivi personnalisé et d’un accès facilité à des services de santé mentale et de soutien juridique.
• La présence d’une commission indépendante augmente la confiance des victimes dans le système judiciaire.
3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault • La proposition intégrale se concentre uniquement sur la suppression de la consignation judiciaire, sans prévoir de mécanismes de prévention ou de suivi.
• Elle ne prévoit pas de commission indépendante ni de plan de prévention.
• Mme Thiébault insiste sur la nécessité d’une approche globale (prévention, protection, suivi) plutôt que d’une simple mesure procédurale.
• Elle critique la proposition intégrale pour son manque de prise en compte des conséquences psychotraumatiques à long terme.
• Les victimes de la proposition intégrale peuvent se retrouver isolées, sans accompagnement psychologique ni soutien institutionnel.
• La proposition de Mme Thiébault offre un cadre plus complet, réduisant le risque de traumatisme secondaire.
4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique) • La suppression de la consignation judiciaire limite la stigmatisation et la re‑victimisation liée à la divulgation d’informations sensibles.
• Cependant, l’absence de suivi psychologique peut laisser les victimes sans soutien après la procédure.
• Mme Thiébault intègre explicitement la psychothérapie et le soutien psychosocial dans le dispositif, reconnaissant le traumatisme post‑victimisation.
• Elle propose des services de santé mentale accessibles aux victimes, indépendamment de la décision de poursuivre.
• Les victimes bénéficient d’une prise en charge holistique, réduisant le risque de PTSD, d’anxiété ou de dépression.
• La disponibilité de services de santé mentale améliore la résilience et la réintégration sociale.
5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne, pays nordiques) • En Espagne, la Ley Orgánica 1/2021 prévoit la consignation de la preuve et la protection de l’identité des victimes, mais sans commission indépendante.
• Les pays nordiques (Suède, Finlande, Norvège) disposent de comités de protection et de services de soutien intégrés, mais la consignation judiciaire n’est pas codifiée.
• Mme Thiébault s’inspire des modèles nordiques en introduisant une commission indépendante et un plan de prévention national.
• Elle propose un mode de consignation qui s’apparente à la protection de la preuve espagnole, mais avec un cadre plus complet.
• Les victimes françaises bénéficieraient d’un système plus proche de la modèle nordique (accompagnement, prévention, suivi) tout en conservant la protection de la preuve espagnole.
• L’harmonisation des pratiques internationales renforcerait la crédibilité et l’efficacité du dispositif français.

Synthèse et recommandations

  1. Alignement juridique
  2. La proposition intégrale est conforme aux principes de la procédure pénale française, mais elle manque de mécanismes de prévention et de suivi.
  3. Mme Thiébault complète ce cadre en introduisant des dispositifs institutionnels (commission, plan de prévention) qui renforcent la protection juridique et psychologique.

  4. Innovation

  5. La consignation judiciaire spécifique aux violences sexistes est une innovation majeure.
  6. La création d’une commission indépendante et d’un plan de prévention constitue une avancée structurale, inspirée des modèles nordiques.

  7. Écarts critiques

  8. La proposition intégrale ne prend pas en compte les conséquences psychotraumatiques à long terme.
  9. Mme Thiébault propose une approche holistique, incluant santé mentale, prévention et suivi.

  10. Impact psychotraumatique

  11. La suppression de la consignation judiciaire réduit la stigmatisation, mais sans accompagnement psychologique, les victimes restent vulnérables.
  12. L’intégration de services de santé mentale dans la proposition de Mme Thiébault est essentielle pour prévenir le PTSD et favoriser la résilience.

  13. Comparaison internationale

  14. Les modèles espagnol et nordique offrent des points de convergence : protection de la preuve, accompagnement psychologique, prévention.
  15. La proposition française, en intégrant les éléments de Mme Thiébault, pourrait atteindre un niveau de protection comparable à ces pays, tout en restant adaptée au contexte juridique français.

Conclusion

La proposition intégrale O085 constitue une avancée procédurale importante, mais elle reste trop limitée si l’on considère les besoins complets des victimes. Les apports de Mme Cécile Thiébault – commission indépendante, plan de prévention, accompagnement psychologique – complètent et renforcent le dispositif, alignant la législation française sur les meilleures pratiques internationales. Pour maximiser l’impact positif sur les victimes, il est recommandé d’adopter les éléments innovants de Mme Thiébault tout en conservant la base procédurale de la proposition intégrale. Cette synthèse permettra de proposer un texte de loi plus complet, respectueux des droits des victimes et conforme aux exigences du droit positif français.