Analyse Comparative - Proposition O137

Analyse juridique croisée avec la proposition de loi intégrale

1. Points d’alignement avec le droit positif français

Ce qui est retenu de la proposition de loi intégrale (la loi en discussion) Apports spécifiques de la proposition de Mme Cécile Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Classification et codification des violences sexuelles – La loi intègre une définition précise des actes de VSS (articles 222‑33‑2 bis, 222‑33‑3, etc.) et les classe en « violences sexuelles » et « violences sexuelles aggravées ». Renforcement de la notion de « violence sexuelle aggravée » – Mme Thiébault propose d’étendre la notion d’aggravation à des critères psychologiques (ex. « traumatisme psychologique durable ») afin de mieux refléter la gravité réelle pour la victime. Les victimes bénéficient d’une reconnaissance juridique plus fine de leur souffrance, ce qui ouvre la porte à des indemnisations proportionnelles à l’impact psychotraumatique.
Création d’une Commission indépendante (CIIVISE) – La loi prévoit une commission chargée d’étudier les pratiques, de formuler des recommandations et de suivre les dossiers de victimes. Mandat de la commission élargi – Mme Thiébault suggère que la CIIVISE ait un pouvoir de contrôle judiciaire (examen des décisions de justice, sanction des professionnels de santé) et un rôle de médiation directe avec les victimes. Les victimes disposent d’un interlocuteur unique, de suivi continu et d’un recours plus rapide aux décisions de la commission, réduisant ainsi le risque de retraumatisation.
Réforme de la procédure pénale – La loi introduit des mesures de protection (ex. mise en place de procédures accélérées, mesures de sûreté). Intégration d’une approche « trauma‑informed » – Mme Thiébault propose d’imposer aux tribunaux et aux services de police une formation obligatoire sur le psychotrauma, ainsi qu’un protocole d’accueil des victimes (ex. « zone de calme », « intervention d’un psychologue à l’accueil »). Les victimes rencontrent moins de procédures pénales lourdes et sont moins exposées à des questions qui pourraient raviver leur traumatisme.
Réparation intégrative – La loi prévoit des indemnisations civiles et pénales, ainsi que des mesures de réparation non financière (ex. accompagnement psychologique). Extension des mesures de réparation – Mme Thiébault propose d’ajouter un « fonds de réparation psychologique » dédié à la prise en charge de la santé mentale (psychothérapie, thérapies brèves, suivi à long terme). Les victimes obtiennent un soutien financier et thérapeutique cohérent, ce qui favorise la résilience et la reconstruction de leur identité.

2. Éléments innovants par rapport au droit actuel

Ce qui est retenu de la proposition de loi intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Mise en place d’une commission indépendante – déjà prévu dans la loi actuelle. Création d’un « service de suivi psychotrauma » – Mme Thiébault propose un service dédié, financé par l’État, qui offre un suivi psychologique continu (ex. psychothérapie, thérapies cognitivo‑comportementales) à toutes les victimes de VSS, indépendamment de la décision pénale. Les victimes bénéficient d’un accompagnement systématique, réduisant le risque de troubles post‑traumatiques et de rechute.
Révision du Code pénal – définition claire des actes de VSS. Intégration d’une notion de « violence sexuelle de masse » – Mme Thiébault introduit un cadre juridique spécifique pour les cas de violences sexuelles à grande échelle (ex. campagnes de harcèlement en ligne). Les victimes de ces formes de violence obtiennent une reconnaissance juridique adaptée, ce qui facilite la mobilisation de ressources spécifiques.
Procédures accélérées – déjà prévues. Mise en place d’un « parcours de justice intégrée » – Mme Thiébault propose un parcours unique où la police, le parquet, le juge et le service de santé mentale travaillent en coordination, avec un point de contact unique pour la victime. Les victimes évitent de devoir naviguer entre plusieurs institutions, ce qui diminue la charge émotionnelle et la fatigue.
Indemnisation civile – déjà prévue. Indemnisation « psychologique » – Mme Thiébault propose un barème d’indemnisation basé sur l’évaluation psychologique (ex. score de traumatisme). Les victimes reçoivent une compensation qui reflète réellement l’impact de la violence sur leur santé mentale.

3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault

Ce qui est retenu de la proposition de loi intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Commission indépendante (CIIVISE) – mandat limité à l’étude et aux recommandations. Mandat de contrôle judiciaire – Mme Thiébault veut que la commission puisse sanctionner les professionnels de santé et de police qui ne respectent pas les protocoles de protection. Les victimes bénéficient d’une protection plus robuste contre les négligences institutionnelles.
Procédures pénales accélérées – sans lien explicite avec la santé mentale. Intégration d’un protocole de « prise en charge psychologique immédiate » – Mme Thiébault propose que chaque victime reçoive un psychologue à l’accueil de la police et un suivi à 30 jours. Réduction du risque de retraumatisation et amélioration de la qualité de la preuve (mémoire intacte).
Indemnisation civile – basée sur le préjudice matériel. Indemnisation psychologique – barème basé sur l’évaluation psychologique. Les victimes obtiennent une reconnaissance financière de leur souffrance psychologique, ce qui peut améliorer leur accès aux soins.
Pas de mention explicite d’une « zone de calme » dans les lieux d’accueil. Création d’espaces dédiés – Mme Thiébault propose des salles de calme dans les commissariats et les tribunaux, avec un personnel formé à la gestion du traumatisme. Les victimes sont moins exposées à des stimuli stressants, ce qui favorise la coopération et la récupération.

Conclusion critique
La loi intégrale offre déjà un cadre solide (commission, procédures accélérées, indemnisation). Cependant, elle manque d’une approche systématique du psychotrauma et d’un contrôle institutionnel fort. Mme Thiébault comble ces lacunes en introduisant des mécanismes de suivi psychologique, de sanction des professionnels et d’indemnisation psychologique. Ces innovations sont essentielles pour répondre aux besoins spécifiques des victimes de VSS, qui subissent souvent des traumatismes complexes et persistants.


4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)

Ce qui est retenu de la proposition de loi intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Procédures accélérées – réduction du temps d’attente. Protocole de prise en charge psychologique immédiate – psychologue présent dès l’accueil, suivi à 30 jours. Diminution du risque de retraumatisation, amélioration de la mémoire et de la coopération.
Indemnisation civile – compensation financière. Indemnisation psychologique – barème basé sur l’évaluation psychologique. Reconnaissance de la souffrance mentale, accès à des soins spécialisés.
Commission indépendante – suivi des dossiers. Mandat de contrôle judiciaire – sanction des professionnels non conformes. Protection accrue contre les négligences, confiance renforcée dans le système judiciaire.
Pas de mention explicite d’espaces de calme. Création d’espaces de calme – salles dédiées dans les commissariats et tribunaux. Réduction du stress environnemental, amélioration de la qualité de la prise de parole.
Pas de formation obligatoire sur le psychotrauma. Formation obligatoire – police, justice, santé mentale. Meilleure compréhension des besoins des victimes, réduction des comportements retraumatizantes.

Synthèse
Les mesures de Mme Thiébault renforcent la prise en compte du psychotrauma à chaque étape du parcours de la victime. Elles permettent de réduire la charge émotionnelle, d’améliorer la qualité des preuves et de favoriser la reconstruction psychologique. En pratique, les victimes bénéficient d’un accompagnement plus humain, d’une reconnaissance de leur souffrance et d’un accès facilité aux soins spécialisés.


5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne et pays nordiques)

Axe France (proposition intégrale + Mme Thiébault) Espagne (Ley Orgánica 1/2021) Pays nordiques (Suède, Finlande, Norvège)
Commission indépendante CIIVISE (mandat limité) + proposition de Mme Thiébault (mandat de contrôle) Commission nationale de lutte contre la violence de genre (CNV) – mandat de contrôle et de suivi Commissions nationales (ex. Suède : Riksrevisionen) – mandat de contrôle, mais pas spécifiquement pour VSS
Approche psychotrauma Protocole de prise en charge psychologique immédiate (proposé par Mme Thiébault) Pas de protocole national obligatoire, mais programmes régionaux de soutien psychologique Intégration systématique du psychotrauma dans les services de santé (ex. Suède : « Trauma‑informed care »)
Indemnisation Indemnisation civile + psychologique (proposition de Mme Thiébault) Indemnisation civile, mais pas de barème psychologique Indemnisation civile, mais pas de barème psychologique spécifique
Formation obligatoire Proposée par Mme Thiébault (police, justice, santé) Pas de formation obligatoire nationale, mais programmes de formation régionaux Formation obligatoire pour les professionnels de santé et de justice (ex. Finlande)
Espaces de calme Proposés par Mme Thiébault Pas de disposition légale Espaces de calme dans les tribunaux (ex. Suède)
Traumatismes de masse Notion de « violence sexuelle de masse » Pas de notion spécifique Notion de « violence de masse » dans les lois sur la sécurité intérieure

Points de convergence
- Tous les systèmes reconnaissent la nécessité d’une approche intégrée (police, justice, santé).
- Les pays nordiques ont déjà intégré le psychotrauma dans leurs services de santé, ce qui est un modèle à suivre.

Points d’innovation
- La proposition de Mme Thiébault introduit un barème d’indemnisation psychologique, une innovation qui n’existe pas encore en Espagne ni dans les pays nordiques.
- Le mandat de contrôle judiciaire de la CIIVISE est également inédit en France.

Recommandations
- Adopter un cadre de formation obligatoire inspiré des pays nordiques.
- Mettre en place un barème d’indemnisation psychologique en s’appuyant sur les modèles espagnols de compensation civile.
- Créer des espaces de calme dans les lieux d’accueil, comme c’est déjà pratiqué en Suède.


Conclusion générale

La proposition de loi intégrale (la loi en discussion) est déjà alignée sur le droit positif français en matière de VSS, notamment grâce à la création d’une commission indépendante et à la révision du Code pénal. Mme Cécile Thiébault apporte des innovations majeures, surtout au niveau de la prise en charge psychotrauma (protocole immédiat, indemnisation psychologique, mandat de contrôle, espaces de calme). Ces mesures sont essentielles pour répondre aux besoins complexes des victimes et pour éviter la retraumatisation. En comparant avec les législations espagnole et nordique, on constate que la France est déjà sur la bonne voie, mais qu’elle peut encore s’inspirer de pratiques éprouvées (formation obligatoire, espaces de calme, intégration systématique du psychotrauma) pour consolider son dispositif.