Analyse Comparative - Proposition O138

Analyse juridique croisée avec la proposition de loi intégrale

1. Points d’alignement avec le droit positif français

Ce qui est retenu de la proposition intégrale (O 138) Apports spécifiques de la proposition de Mme Cécile Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Définition juridique précise du mariage forcé – l’article 1 de l’O 138 introduit une définition claire, incluant les actes de pression, de menace ou d’extorsion avant la cérémonie. Intégration d’une notion de « violence sexuelle pré‑mariage » – Mme Thiébault insiste sur la reconnaissance juridique des violences sexuelles commises dans le cadre de la préparation du mariage (ex. exposés de corps, contraintes de consentement). Les victimes bénéficient d’une reconnaissance légale immédiate de leur situation, ce qui facilite l’accès aux mesures de protection (ordonnances de protection, assistance juridique).
Création d’un registre national – l’O 138 prévoit un registre centralisé pour recenser les cas de mariage forcé, accessible aux autorités judiciaires et aux services sociaux. Mécanisme de signalement obligatoire – Mme Thiébault propose un dispositif de signalement obligatoire pour les professionnels de santé, de l’éducation et du travail social, afin de garantir une prise en charge rapide. Le registre permet de suivre l’évolution de chaque dossier, d’éviter les doublons et de garantir la continuité des soins (psychologiques, médicaux).
Renforcement des sanctions pénales – l’O 138 élargit la liste des infractions (ex. « conduite à la violation de la liberté d’une personne »). Sanctions spécifiques pour les complices – Mme Thiébault introduit des peines distinctes pour les parents ou proches qui facilitent le mariage forcé, afin de décourager la complicité. Les victimes voient leurs agresseurs et complices sanctionnés, ce qui peut réduire la peur de représailles et favoriser la confiance dans le système judiciaire.
Mesures de prévention – l’O 138 prévoit des programmes de sensibilisation dans les écoles et les communautés. Formation ciblée des professionnels – Mme Thiébault propose des modules de formation obligatoires pour les juges, policiers et travailleurs sociaux, axés sur la reconnaissance des signes de mariage forcé et de violences sexuelles. Les victimes bénéficient d’un interlocuteur compétent dès le premier contact, ce qui diminue les traumatismes liés à la méconnaissance ou à la stigmatisation.

Conclusion : La proposition intégrale est déjà en phase avec les grands axes du droit français (définition, registre, sanctions, prévention). Mme Thiébault apporte des précisions opérationnelles et des mécanismes de signalement qui renforcent la prise en charge des victimes.


2. Éléments innovants par rapport au droit actuel

Ce qui est retenu de la proposition intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Concept de « violence sexuelle pré‑mariage » – nouvelle catégorie pénale. Intégration d’une approche de santé mentale – Mme Thiébault propose l’obligation d’un suivi psychologique obligatoire pour toutes les victimes de mariage forcé, même si elles ne souhaitent pas de traitement. Les victimes reçoivent un accompagnement psychologique systématique, réduisant le risque de troubles post‑traumatiques.
Signalement obligatoire – pour les professionnels de santé et de l’éducation. Mécanisme de « détection précoce » – Mme Thiébault introduit un outil d’évaluation rapide (questionnaire court) à utiliser lors des consultations médicales. Les victimes sont identifiées plus tôt, ce qui permet d’intervenir avant que la situation ne s’aggrave.
Renforcement des sanctions – extension de la liste des infractions. Peines de protection – Mme Thiébault propose des peines de protection (ex. interdiction de contact, suivi judiciaire) pour les agresseurs, même en l’absence de condamnation pénale. Les victimes bénéficient d’une protection immédiate, même si la procédure pénale est longue.
Registre national – suivi des cas. Plateforme numérique sécurisée – Mme Thiébault propose une plateforme de suivi en temps réel, accessible aux victimes via un portail sécurisé. Les victimes peuvent suivre l’avancement de leur dossier, ce qui réduit l’anxiété liée à l’incertitude.

Conclusion : L’innovation réside surtout dans la prise en compte explicite de la santé mentale et dans la mise en place d’outils de détection précoce et de suivi numérique. Ces mesures répondent aux lacunes du droit actuel, où la prise en charge psychologique est souvent laissée à la discrétion des professionnels.


3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault

Ce qui est retenu de la proposition intégrale Écarts par rapport à la proposition de Mme Thiébault Implications pratiques pour les victimes
Définition juridique du mariage forcé – claire mais centrée sur l’acte de mariage. Manque de reconnaissance des violences sexuelles pré‑mariage – l’O 138 ne précise pas les actes sexuels imposés avant le mariage. Les victimes de violences sexuelles avant le mariage peuvent ne pas être reconnues comme victimes de mariage forcé, limitant leur accès aux mesures de protection.
Signalement obligatoire – pour les professionnels de santé et d’éducation. Absence de mécanisme de suivi psychologique obligatoire – l’O 138 ne prévoit pas de suivi psychologique systématique. Les victimes peuvent se retrouver sans accompagnement psychologique, augmentant le risque de troubles post‑traumatiques.
Sanctions pénales – élargies mais centrées sur l’agresseur. Peines de protection insuffisantes – l’O 138 ne prévoit pas de mesures de protection immédiates (ex. interdiction de contact). Les victimes restent vulnérables pendant la procédure pénale, ce qui peut entraîner des représailles.
Registre national – accessible aux autorités. Pas de plateforme numérique sécurisée – l’O 138 ne prévoit pas de portail pour les victimes. Les victimes ne peuvent pas suivre l’avancement de leur dossier, ce qui augmente l’anxiété et la perte de contrôle.

Conclusion : Les écarts majeurs concernent la prise en compte des violences sexuelles pré‑mariage, le suivi psychologique obligatoire et les mesures de protection immédiates. Ces lacunes peuvent laisser les victimes dans un état de vulnérabilité prolongée.


4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)

Ce qui est retenu de la proposition intégrale Apports spécifiques de Mme Thiébault Impact psychotraumatique
Définition claire – permet de légitimer la souffrance. Reconnaissance des violences sexuelles pré‑mariage – élargit la portée de la législation. La reconnaissance juridique réduit le sentiment d’isolement et de culpabilité, favorisant la résilience.
Signalement obligatoire – facilite la prise en charge. Outil d’évaluation rapide – permet d’identifier les signes de stress post‑traumatique dès la première consultation. Une détection précoce permet d’intervenir rapidement, diminuant la gravité des symptômes.
Sanctions pénales – dissuasion. Peines de protection – garantissent un espace sécurisé pour la victime. La protection immédiate réduit le risque de revictimisation et d’anxiété liée à la peur de représailles.
Registre national – suivi administratif. Plateforme numérique sécurisée – donne aux victimes un sentiment de contrôle. Le contrôle de son dossier réduit l’anxiété liée à l’incertitude et favorise la reconstruction de l’identité.
Programmes de sensibilisation – prévention. Formation ciblée des professionnels – améliore la qualité de l’accueil. Un accueil professionnel et empathique diminue le risque de traumatismes secondaires.

Conclusion : L’approche psychotraumatique est renforcée par la reconnaissance juridique, le suivi psychologique obligatoire, les mesures de protection et la transparence du suivi. Mme Thiébault apporte des éléments essentiels pour réduire les traumatismes secondaires et favoriser la résilience des victimes.


5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne et pays nordiques)

Axe France (O 138 + proposition de Mme Thiébault) Espagne (Loi 1/2021 sur la violence conjugale) Finlande (Loi 2020 sur la protection des victimes)
Définition du mariage forcé Définition claire, incluant les violences sexuelles pré‑mariage (proposition de Mme Thiébault). Définition plus large, incluant la coercition psychologique et la pression sociale. Définition centrée sur la contrainte physique et la menace, sans mention explicite des violences sexuelles pré‑mariage.
Signalement obligatoire Obligatoire pour les professionnels de santé et d’éducation. Obligatoire pour les professionnels de santé, de l’éducation et de la justice. Obligatoire pour les professionnels de santé et de l’éducation, mais pas systématique pour la justice.
Suivi psychologique Suivi psychologique obligatoire (proposition de Mme Thiébault). Suivi psychologique obligatoire pour les victimes de violence conjugale. Suivi psychologique recommandé mais pas obligatoire.
Mesures de protection Peines de protection (interdiction de contact) et suivi judiciaire. Ordonnances de protection immédiates, suivi judiciaire. Ordonnances de protection, mais moins de suivi judiciaire systématique.
Registre national Registre centralisé, plateforme numérique sécurisée (proposition de Mme Thiébault). Registre national, mais accès limité aux autorités judiciaires. Registre national, accès restreint aux services sociaux.
Approche psychotraumatique Intégration explicite de la santé mentale dans la législation. Intégration forte, avec programmes de réhabilitation. Intégration modérée, avec un accent sur la prévention.

Conclusion : La France, grâce à la proposition de Mme Thiébault, se rapproche des standards espagnols en matière de signalement obligatoire et de suivi psychologique. Elle dépasse les normes finlandaises en introduisant un registre numérique sécurisé et des mesures de protection immédiates. Cependant, l’Espagne reste un modèle de prévention et de réhabilitation, offrant des programmes de soutien plus développés.


Synthèse globale

  1. Alignement : La proposition intégrale est déjà en phase avec le droit français, mais nécessite l’intégration des éléments de Mme Thiébault pour une prise en charge complète.
  2. Innovation : La prise en compte explicite des violences sexuelles pré‑mariage, le suivi psychologique obligatoire et la plateforme numérique sont des avancées majeures.
  3. Écarts : Les principaux manques concernent la reconnaissance des violences sexuelles pré‑mariage, le suivi psychologique systématique et les mesures de protection immédiates.
  4. Impact psychotraumatique : Les propositions de Mme Thiébault renforcent la légitimité, la sécurité et le contrôle des victimes, réduisant ainsi les traumatismes secondaires.
  5. Comparaison internationale : La France se situe entre l’Espagne (modèle de prévention et de réhabilitation) et la Finlande (modèle de prévention). L’intégration des éléments de Mme Thiébault permettrait de dépasser les standards actuels et de proposer une législation plus complète et centrée sur la santé mentale des victimes.